Antonio & Terry

Big girls don't cry

L’herbe te chatouillait les pieds. Tu les soulevais et te tenais sur tes orteils, avant de les redescendre. Tes yeux étaient encore rouges, surtout parce que tu avais retenu le plus gros de tes larmes. Droite, tu faisais tes exercices. Tu te préparais à danser. Tu le disais toujours, se battre est une danse dangereuse. Rien de mieux que le ballet pour être souple et fluide dans ses mouvements. Tu glissais ta main sous tes yeux et reniflais : ton visage était moite.

Tu cessais tes exercices pour attacher tes cheveux en un chignon bas, et surtout décoiffé. Tu dansais pour oublier ce qu’il se passait autour de toi. Tu dansais pour faire passer le temps. Tu dansais en attendant Antonio. Tu l’avais appelé, des trémolos dans la voix, et l’avait presque supplié de venir à la Colonie. Tu ne suppliais jamais. Tu cachais tes émotions derrière le sarcasme et des remarques cassantes, brutes, parfois insultantes. Les autres te prenaient pour un bulldog. Tu étais un oiseau enfermé. Entre la colombe et le corbeau, tes plumes tendaient plutôt vers le noir ces temps-ci. Tu offrais souffrance et malchance aux autres, n’était-ce pas merveilleux ? Être fille de Némésis était difficile, dans ton cas. Tu ne pouvais pas ignorer ton statut trop longtemps, contrairement à d’autres bien plus chanceux. Parfois, il te venait à l’esprit des pensées macabres, mais pourtant vraies : ton don était dangereux. Si tu pouvais maîtriser le degré de malchance… mais non, c’était impossible. Un jour, quelqu’un se ferait écraser devant toi, parce que cette personne t’exécrait. Tu avais peur de semer la mort. Ton nom en lui-même signifiait la fin : la faucheuse. Peut-être signifiait-il la faucheuse des champs, mais tu y croyais peu.

Tu commençais par une arabesque simple, malgré l’herbe qui te chatouillait les pieds, malgré le lac quelques mètres plus loin, malgré les bruits de la forêt. Les arabesques étaient simples. Ce qui te détendait vraiment, c’était les adages, ou encore les sauts. Surtout ceux de chat ou de biche. Tu aimais bouger tes jambes et tes bras en rythme, sans que ce ne soit trop rapide. C’est ainsi que tu enchaînas les pirouettes, les sauts et jetés. Quand tu t’arrêtais, Antonio était là. Tu lui lançais un petit sourire et t’approchais de lui, passant distraitement ta main sur ton bras.

« Merci. », tu murmurais en allant te blottir contre lui.

Tu glissais doucement tes bras autour de lui et fermais les yeux. Vous vous compreniez. Vous vous complétiez. Et tu le remerciais d’être venu, juste pour toi, parce que tu te sentais mal. Inconsciemment, tu humais son odeur : Antonio sentait bon. Terriblement bon. Son odeur te rassurait. C’était étrange, mais tu t’en fichais. C’était comme ça.

« Tu vas bien ? », lui demandais-tu en retrouvant le sourire.

Un petit sourire, certes, mais c’était déjà ça.